samedi 29 septembre 2007

La soutenance

Ce type avait un air minable mais des manières de prince. Visage long de conspirateur échappé d'un tableau mineur de la Renaissance. Elle aurait voulu en rire. Se défaire de ses craintes. Il était temps de grandir. Mais elle l’avait croisé au pot qui avait suivi une soutenance de thèse. Il l’avait ignorée préférant courtiser un universitaire ponte de l'édition, ce paléo-marxiste, qui avait fait une piètre impression à Léa (avait-il même lu la thèse ?), exerçait encore une influence sur ce monde qu'elle peinait à quitter. Et voilà qu'il feignait de l'ignorer. Pourquoi au juste ce type l’ignorait ?
Après l’une de ses interventions durant un séminaire, il lui avait posé des questions. Elle l’avait gentiment renvoyé dans les cordes. Il n’en avait pas l'habitude. Après tout elle était venu pour enrichir le séminaire et non pour recevoir des leçons d’un type imbu de lui-même.
Les voilà tous dehors, pendant la délibération. Le lieu est inapproprié. Les bourrasques de décembre s’engouffrent ici sans que l'on puisse vraiment s'abriter. La plupart tire sur leur cigarette et se dandine en encourageant l’impétrant. Elle voudrait filer sur le boulevard Raspail, se perdre dans la lumière anémiée; aller jusqu’à Saint-Sulpice, marcher et entendre la voix sans timbre transformer le vent en syllabes justes.

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